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COMPTE-RENDU
D'UNE CONFÉRENCE
DONNÉE A PROPIÈRES LE 25 AVRIL 2011
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Comme
partout sur la Terre, la géologie de la région du
Haut-Sornin est le reflet de l'histoire géologique de ce
territoire. Les roches que nous y rencontrons appartiennent à
une longue chaîne d'événements qui ont progressivement
façonné le sous-sol et le paysage du Haut- Beaujolais.
C'est un court extrait de cette histoire, jalonnée par
une succession de paysages révolus, parfois surprenants,
que nous nous proposons de résumer ici.
Dans le Haut-Sornin et ses alentours, on distingue 5 grands secteurs
géographiques dans lesquels la composition géologique
apparaît assez homogène. On peut énumérer
ces unités dans l'ordre chronologique de l'apparition de
leurs terrains constitutifs, des plus anciens aux plus récents
(une habitude du géologue, soucieux de prendre la marche
du temps dans le bon sens !) :
-
le secteur du col de Champ-Juin,
où l'on trouve les
plus vieilles roches reconnues localement, des roches magmatiques,
plus ou moins transformées (on dit "métamorphisées"),
qui appartiennent à la catégorie des diorites
;
- le massif du St-Rigaud
(mais pas le Mont St-Rigaud lui-même, curieusement !) et
le secteur du Haut-Sornin proprement dit, de Vibus
au Briday et à Ajoux, où affleure une série
de schistes ayant
pour origine un dépôt sédimentaire ;
- le secteur de Propières,
d'Azolette, de la roche d'Ajoux et de la Haute Azergues
au niveau duquel existe une épaisse série de roches
volcaniques proches des rhyolites
;
- les hautes vallées de l'Ardières,
autour des Ardillats, et de la Grosne,
dans les environs de Monsols, caractérisées par
des roches magmatiques courantes : les granites
;
- la partie amont de la moyenne
vallée du Sornin, entre St-Clément
et St-Igny pour ce qui nous concerne, où s'étend
un vaste ensemble de microgranites,
un genre de granite à grain fin.
Toutes ces roches se sont formées à l'ère
primaire, dans le dernier dixième de l'histoire
de la Terre, entre 380 et 300 millions d'années.
On se situe là à la fin du Dévonien
et au Carbonifère, deux périodes
marquées par des événements notoires de l'évolution
biologique : l'apparition des amphibiens et des reptiles (tétrapodes)
et le large développement de la forêt houillère
(lycopodes, prêles et fougères),
cette forêt littorale, ou lacustre, et équatoriale
dont les restes organiques accumulés ont conduit à
la formation des grands gisements de charbon français (ex.
bassin de St- Etienne), et, plus près de nous, de celui
de la Chapelle-sous-Dun.
photo 1 |
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Naturellement,
commençons par la roche de Propières. Ce qui frappe
à première vue, c'est la présence répétée,
dans les murs des maisons, d'une roche noire à petits
cristaux blancs, avec des reflets verts ou violacés.
C'est une roche volcanique qui oscille entre la rhyolite
et la dacite
(photo 1),
deux types de roches dont le chimisme se rapproche de celui
du granite, un des principaux constituants de la croûte
continentale.
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photo 2 |
Le
tuf commun, c'est le nom de cette "volcanite",
abonde dans les constructions traditionnelles et anciennes du
village et de ses environs. Cette pierre a été exploitée
pour fournir de la pierre de taille ou de simples moellons de
maçonnerie. On la reconnaît bien dans les murs du
château
(photo 2)
ou de l'église d'Azolette dont la teinte verdâtre
est caractéristique de cette localité. Elle forme
aussi de magnifiques pierres d'angle noires, au Briday par exemple,
qui tranchent avec la couleur terne des pierres patinées
de la maçonnerie de base.
Les
volcans, qui depuis très longtemps ont totalement disparus
du paysage beaujolais, ont craché de mille feux ici au début
du Carbonifère (330 millions d'années), une époque
spécialement affectée par les « colères »
de la Terre. Du reste, d'autres roches volcaniques du Haut-Beaujolais
témoignent d'explosions et de « pluies de feu »
véritablement cataclysmiques.
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photo
3 |
Un
peu plus bas dans le Sornin, mais surtout autour du Mont St-Rigaud
(mont Monnet / montagne de Theyssonnière), on chemine sur
des schistes gris ou gris-vert
(photo 3).
Ces roches évoquent un paysage tout autre : des étendues
d'eau, genres de larges espaces marins côtiers, dans lesquels
des sédiments, essentiellement des sables fins, venaient
s'accumuler. De lents mouvements de terrain les auront plus tard
comprimés et transformés ("métamorphisés")
en schistes. Très fracturées, ces roches n'ont pratiquement
pas été employées ; elles ont occasionnellement
servi de pierre naturellement concassée. Quelques carrières
abandonnées subsistent encore çà et là
dans la végétation.
Bien
qu'assez homogènes, ces schistes sont parfois recoupés
par des filons granitiques rouges ou rosés,
comme on le voit bien sur la route d'Ajoux, juste en dessous de
la scierie.
photo 4 |
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Dans
le paysage marin ou lacustre de l'époque existaient aussi
des reliefs hérissés de volcans desquels s'échappaient
laves et autres produits pyroclastiques. Si bien que, parfois,
les schistes sont aussi pénétrés de coulées
volcaniques. On signalera à ce sujet le magnifique porphyre
noir d'Ajoux
(photo 4),
bien visible dans les murs du hameau.
Enfin,
des modifications du milieu et du climat pouvaient induire parfois
un changement du dépôt sédimentaire qui devenait
alors calcaire, grâce à l'activité des organismes
marins. C'est ce qui explique aujourd'hui la présence de
petits pointements de calcaires en bas de Propières
(Le Briday) et d'Azolette, des gisements dont les matériaux
ont été exploités sporadiquement pour la
construction, mais surtout pour la production de chaux.
Schistes
dérivés de sables fins, porphyres volcaniques et
autres calcaires marins sont un peu plus anciens que les roches
volcaniques de Propières ou de la Roche d'Ajoux, mais ils
sont toujours datés du début du Carbonifère
(340 millions d'années).
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photo 5 |
Plus
veille encore, avec un peu moins de 400 millions d'années
- c'est le Dévonien - des roches de type diorite
(photo
5) apparaissent
en gros blocs dans le secteur du col de Champ-Juin. Ces roches
magmatiques ont une genèse tout à fait particulière.
Elles sont liées à l'évolution des magmas
dans la croûte océanique ou en bordure des continents
sous lesquels plonge une plaque océanique. Diorites et
microdiorites de Champ-Juin se réfèrent donc à
la genèse ou à la mort (recyclage) des fonds océaniques.
N'est-ce pas étrange pour ces roches perchées en
Haut-Beaujolais ?
Plus
bas dans le Sornin, dans les environs de St-Clément et
de St-Igny, mais aussi plus largement dans la région allant
de Chauffailles à la Clayette, s'étend une vaste
nappe de microgranite rouge
(photo 6) ou
rosé, une pierre d'une grande qualité pour construire
et empierrer. Du reste, nombre de maisons et bâtiments traditionnels
de ce secteur, mais aussi d'ailleurs, à Propières
par exemple, révèlent cette pierre qui constitue
souvent de belles pierres d'angle à la couleur rougeâtre
particulièrement chaude.
photo 6 |
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Ce
microgranite tire son nom de la présence dans sa masse
d'une matrice cristalline (rouge) formée de petits cristaux
invisibles à l'oeil nu, bien que d'autres soient parfaitement
discernables. Cette finesse de la granulométrie d'une frange
des cristaux de quartz et de feldspath provient du mode de formation
de la roche, dans des cavités (fractures et failles) du
socle continental ou dans un milieu semi souterrain, voire aérien,
où le refroidissement du magma a été relativement
rapide.
Bien
qu'étant assurément du Carbonifère, l'âge
précis des microgranites est encore assez incertain. Succèdent-ils
juste aux volcanites (330 millions d'années) ou sont-ils
contemporains des grands massifs de granites dont il sera question
juste après (310-320 millions d'années) ? On conviendra
qu'à 10 ou 20 millions d'années près, c'est
un peu du pareil au même !
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photo 7 |
Enfin,
de l'autre côté de la montagne, dans les hautes vallées
de l'Ardières (Les Ardillats) ou de la Grosne (Monsols),
on rencontre à l'affleurement, dans les anciennes carrières
ou dans les maisons, des granites
(photo 7) à
gros cristaux bien visibles. Cette structure cristalline assez
grossière signifie que le magma s'est mis en place plus
profondément dans l'écore terrestre où il
a pu refroidir plus lentement.
Au-dessus
de ces magmas très chauds, l'eau que le magma exhalait
ou celle qui baignait les vides des roches encaissantes, portée
à des pressions et des températures élevées,
a pu circuler dans les anfractuosités du bâti rocheux.
Une circulation hydrothermale, riche en silice et autres minéraux
dissous, s'est ainsi mise en place et a induit la formation de
filons de quartz, tel celui exploité dans
la mine, bien connue, de Propières. Dans ce filon, on a
pu extraire deux principaux minerais : la barytine,
mais surtout la galène, source de plomb
accompagné parfois d'un peu d'argent.
Au terme de notre survol de la géologie du Haut-Sornin,
on soulignera le fait que toutes les roches rencontrées
dans cette région renvoient à des processus géologiques
qui témoignent du fonctionnement « normal »
de l'écorce terrestre sur la bordure des continents : la
sédimentation marine côtière ou lacustre,
la formation et l'activité des domaines volcaniques et
la surrection des chaînes de montagnes. Le paysage géologique
du Haut-Sornin n'échappe pas à cette règle
et relève lui aussi de la « vie normale » de
la Terre. Parmi ces phénomènes, celui de la formation
des chaînes de montagnes a eu un impact particulièrement
important sur la géologie et le paysage beaujolais. Une
part essentielle du socle de ce pays est lié à la
mise en place d'une vaste chaîne de montagnes à la
fin de l'ère primaire : la chaîne hercynienne. Granites,
volcanites, schistes et terrains métamorphisés,
plissés et faillés sont les résultats des
mouvements tectoniques engendrés par l'initiation et l'évolution
de cette chaîne. Et aujourd'hui, après 300 millions
d'années d'érosion, c'est la racine profonde de
cet édifice que nous avons sous les pieds lorsque nous
nous promenons en Haut-Beaujolais.
Comme partout ailleurs, la géologie du Haut-Sornin est
bel et bien, elle aussi, une petite fenêtre ouverte sur
l'étonnante histoire « mouvementée »
de notre belle planète Terre.
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