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La
forêt jadis autour de Propières
"Article
de "Forêt privée du Rhône", publié
avec l'aimable autorisation de son auteur."
L'abbé Auguste
Comby (1881-1949), originaire de Nolay, et qui fut curé
de Saint-Clément-de-Vers puis de Valsonne dans l'entre-deux-guerres,
était un grand érudit, passionné d'histoire
locale. On lui doit une histoire de Belleroche et de ses environs
(éd. 1981), de Valsonne (éd. 1983) et de Grandris
(éd. 1996). Il avait aussi entrepris une histoire de Propières
des origines au XIXe siècle, achevée en 1942 et
restée manuscrite, que l'Association "Patrimoine en
Haut-Sornin" vient d'avoir la très heureuse idée
d'éditer(1). Bien sûr, la richesse de l'ouvrage interdit
d'en rendre compte ici dans sa totalité. Mais, pour les
forestiers d'aujourd'hui, les notations concernant les bois et
la forêt depuis le Moyen Age jusqu'à la Révolution
éparses dans le livre sont particulièrement intéressantes.
Elles concernent
en premier lieu l'étendue de la couverture forestière.
Sans qu'on puisse en dresser une carte précise, elle était
bien évidemment très importante aux premiers siècles
du Moyen Age. L'abbé de Cluny, Pierre le Vénérable,
en témoigne quand, peu avant le milieu du XIIe siècle,
il parle du « revêtement de forêts très
denses » qui entoure le prieuré clunisien d'Ajoux
au Saint-Rigaud. La forêt a ensuite reculé, et d'abord
sous le coup des défrichements provoqués par la
pression démographique qui s'accroît partout en Occident
entre le XIe et le XIIIe siècle.
Si, faute
de documents, l'abbé Comby ne donne pas d'exemples d'essartages
à Propières, il suffit d'aller à Belleroche
et à Belmont pour constater que l'on a atteint les limites
de ce type d'entreprise à la fin du XIIIe siècle
: une tentative de défrichement et de mise en valeur sur
des sols pauvres couverts de bois et de landes autour du Mont
Pinay échoue une quarantaine d'années après
son lancement par le seigneur Jean de Noyers, qui se voit alors
contraint de vendre à bas prix sa seigneurie au sire de
Beaujeu. Puis, après la grave crise démographique
qui frappa l'Occident aux deux derniers siècles du Moyen
Age, qui virent landes et bois regagner du terrain, on assista
à une reconquête des terroirs.
S'agissant
ensuite des essences, les feuillus (hêtres, chênes)
ont longtemps dominé, sans doute plus en taillis qu'en
haute futaie. Les premières mentions de sapins remontent
à la fin du XIIIe siècle : vers 1300 la famille
seigneuriale de Propières est en procès à
cause d'un bois de sapin qu'elle détient à Ajoux,
et les sapins sont présents au XVe siècle dans les
bois de La Farge. Mais les feuillus dominèrent encore longtemps
: ainsi, à la veille de la Révolution, les bois
de la comtesse de la Poype, seigneur de Propières, comprenaient
deux grandes parcelles, une en taillis d'environ 10 ha et l'autre
en sapins d'un peu plus de 1 ha seulement.
A Propières
comme ailleurs, les bois et forêts étaient à
l'origine propriété des familles seigneuriales (les
Propières, puis leurs successeurs, les Chandieu et les
Digoine ; les seigneurs de la Farge). Elles ne les exploitaient
pas au sens actuel du terme mais les utilisaient comme terrain
de chasse, privilège seigneurial par excellence. Elles
accordaient d'autre part à leurs paysans des droits d'usage,
sans lesquels ces derniers ne pouvaient survivre : droit de prendre
du bois mort, et surtout droit d'envoyer paître leurs bêtes,
notamment les cochons pour la glandée. Ainsi, Archimbaud
Le Blanc, quand il fonde l'hôpital d'Aigueperse vers 1100,
reconnait formellement ce droit sur ses terres aux clercs qui
desserviront la nouvelle fondation.
Puis dès
avant la fin du Moyen Age, ce schéma évolue. Les
seigneurs de Propières qui ne résident plus guère
sur place, il est vrai, accordent sans trop de difficultés
le droit de chasser dans leurs bois comme en 1574 ou en 1666.
D'autre part, et c'est beaucoup plus important, pressés
par des besoins financiers, les seigneurs commencent à
concéder contre un cens en général modeste
des parcelles de leurs bois à des paysans aisés
et à des gens de robe (notaires, procureurs...) : ainsi
en 1669, trois habitants de Belleroche tiennent-ils en indivis
le bois d'Azoles à Propières, et la précision
des limites de ce bois montre qu'ils ne sont pas les seuls dans
ce cas. Une évolution très importante est donc en
marche, et ce dès avant la Révolution.
La forêt
n'est plus seulement le complément indispensable pour le
fonctionnement des exploitations paysannes, elle commence à
devenir un enjeu économique. Pour preuve, les procès
intentés peu avant la Révolution par les seigneurs
ayant conservé des bois à Propières, pour
atteinte à leurs propriétés. En 1786, la
comtesse de la Poype fait condamner trois habitants de Propières
accusés d'avoir pratiqué des coupes clandestines
dans ses bois d'Azole et du Bois Brulay, tandis que le marquis
de Drée, seigneur de la Farge, fait de même contre
deux autres habitants de Propières coupables du même
délit dans son bois de Patoux. Puis, lorsque les premiers
craquements de la Révolution se font entendre, le 9 mai
1790, dix propriétaires de Propières, narguant ouvertement
les autorités, envoient leurs bêtes paître
dans le bois, pourtant clos et entouré d'un fossé,
de la comtesse de la Poype.
On le voit donc : bien
que la forêt ne soit pas au centre du livre de l'abbé
Comby, celui-ci nous a livré néanmoins de précieuses
informations à son sujet. Elles sont un appel à
aller plus loin et à prolonger les recherches notamment
pour les XIXe et XXe siècles. Les matériaux existent.
Avis aux amateurs !
Michel
Rubellin
1/ Abbé
Auguste Comby, Histoire de Propières, Association "Patrimoine
en Haut-Sornin", 2011, 278 p., disponible au siège
de l'Association à la Mairie de Propières (25 €).
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