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La
source du Mont Saint Rigaud
Commune
de Monsols, département du Rhône
La
source, située à l’altitude de 960 m sur le
flanc ouest du Mt St Rigaud (1009 m) a été aménagée
en août 1988 par le Club de l’Amitié de Monsols
(anciens Monsourdis) avec l’aide du SIVOM Beaujeu-Monsols,
et de la D.D.E de Monsols.
Les travaux de terrassement qui ont été entrepris
à cette occasion et qui ont dégagé le point
d’émergence, ont montré clairement qu’il
s’agissait d’une résurgence à l’amont
d’une faille, de quelques centimètres d’épaisseur,
qui a joué le rôle d’écran vis à
vis de la circulation aquifère. En effet les deux compartiments
qu’elle sépare se sont affrontés très
violemment et à leur contact les roches (granite) ont été
mylonitisées, c’est à dire écrasées,
broyées et réduites à l’état
de fragments et de produits argileux imperméables.
Cette faille est bien sûr postérieure à la
mise en place du granite, datée des alentours de 300 millions
d’années (M.a), dans des terrains volcano-sédimentaires
dévono-dinantiens (360-330 M.a) qu’on retrouve en
« enclaves » tout autour du massif.
A cette faille sont plus ou moins liées les nombreuses
fractures, fissures, diaclases qui parcourent les roches de la
région. Certaines se sont plus ou moins « ouvertes
» à la suite du phénomène de décompression
qui accompagne la remontée vers la surface des racines,
des chaînes de montagnes et deviennent ainsi « perméables
» : l’eau peut y être collectée, y circuler
et dans certains cas « refaire surface » par suite
d’un obstacle naturel ou artificiel qui bloque leur circulation
souterraine.
Le croquis ci-après tente d’illustrer ce qui se passe.
On voit d’abord qu’il s’agit d’une source
« de sommet » : il n’y a qu’une quarantaine
de mètres de dénivelé entre le point culminant
et l’émergence. Ensuite, les eaux des précipitations
(pluies, neige), ou des condensations (brouillards, givre) ont
plusieurs cheminements : une partie ruisselle et rejoint directement
les petits affluents du Sornin (pour le versant ouest du St Rigaud)
; une autre s’évapore ; une autre encore, absorbée
par la végétation, est en partie restituée
à l’atmosphère par transpiration ; enfin la
dernière partie percole au travers de la terre végétale
et des éluvions (produits de désagrégation
sur place du granit et roches associées), puis emprunte
les multiples fractures détruites plus haut et qui, sur
le croquis , ont été très schématisées.
Cette circulation souterraine se fait bien sûr « per
descensum » (du haut vers le bas) mais peut être bloquée
par un écran imperméable tel que la faille à
remplissage argileux qui a permis, par un phénomène
de trop-plein, la résurgence de la Source de St Rigaud.
Au passage, il faut dire que la croyance selon laquelle l’eau
proviendrait des Alpes par un gigantesque siphon de plus de 100
km, passant en particulier sous le fossé de la Bresse dont
le fond se trouve à plus de 3000 m de profondeur, est absolument
infondée (pour ne pas dire farfelue…).
On
peut encore tenter de répondre à deux questions
:
- D’abord depuis combien de temps fonctionne-t-elle ? on
ne peut faire que des supputations : au retrait des glaciers du
Riss (120 000 ans) qui ont léché les contreforts
du Massif au nord de Villefranche et ont abandonné le «
Gros caillou » ou celui des glaciers de Würm (environ
30 000 ans) qui ont été moins étendus ?
- Ensuite quels sont les premiers hommes qui s’y sont désaltérés
? Ceux de la civilisation de Néandertal (de 80 à
30 000 ans), ou de l’ère de l’Homo Sapiens
(33 à 10 000 ans), ou bien encore des cousins des chasseurs
de Solutré (18 000 ans) ? Il y a peu de chance en fait
que les hommes du Paléolithique aient pu surmonter l’hostilité
de ce milieu surtout pendant ou juste après les glaciations,
et sans doute pas non plus ceux du Néolithique (4 000 à
2 500 ans av. J.C). Si les Ligures n’eurent pas besoin des
arbres du massif pour construire leurs maisons sur pilotis, par
contre les Celtes (vers 1 500 av. J.C), qui furent des défricheurs
et des guerriers, purent bien exploiter les hêtres de la
hêtraie-sapinière primitive pour fabriquer la fonte
de leurs armures ; le cuivre étant extrait de minerais
locaux (St Bel, Chessy ?....) et l'étain provenant lui
de la cassitérite du Finistère ou de Cornouailles
?
En tout cas la légende dit que les druides tenaient des
conseils tribaux à Monsols et que pendant leur occupation
les romains élevèrent soit au St Rigaud, soit plus
vraisemblablement au mont d’ Ajoux (Aras Jovis) un autel
à Jupiter. Dernier repaire historique, au Xeme siècle,
l’Abbaye de Cluny fonda un prieuré dénommé
« Prioratus de l’Alter Jugo » qui fut abandonné
à la suite de la mort, de faim et de froid, des derniers
moines qui s’y étaient retirés pour prier.
Terminons par la légende du caractère miraculeux
des eaux de la Source du St Rigaud. Elle a une origine très
ancienne (celte, romaine, moyenâgeuse ?) et on ne voit pas
pour quelle raison elle ne devrait pas se perpétuer durant
des décennies, voir des siècles… Elle fait
partie du patrimoine culturel du Haut Beaujolais, et , qui sait,
elle peut conduire à une remontée du taux de fécondité
des villes et villages de la région…
Pierre GIRAUD
Professeur de géologie de l’université de
Grenoble
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