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L'ITER
PUBLICUM
L’expression
« ITER PUBLICUM » désigne une voie commerciale,
dont l'existence et l'usage remontent à « la nuit
des temps », et dans laquelle le terme « iter
» indique un sentier important ou une simple route commerciale,
qualifiée de « publicum »
parce qu'il s'agit d'une voie publique qu’on surveille,
que l’Etat entretient (bien mal d’ailleurs), sans
la rendre vraiment carrossable.
Au
Moyen-Age, un chemin transversal est-ouest reliant la Saône
à la Loire n'était pas pensable côté
versant océanique, car il aurait dû franchir successivement
6 vallées orientées Sud/Nord (les 3 Grosne, les
2 Sornin, le Mussy). Les charrois tirés par des bœufs
ne pouvaient emprunter les fortes rampes pour aller d’une
vallée à l’autre, ni circuler sur une voie
glissante, détrempée et truffée d’ornières.
L’
« Iter Publicum » adapté à la géographie
du partage des eaux, orienté E/O sur le versant méditerranéen
et N/S sur le versant océanique, restera donc la seule
« voie publique » de communication entre la Saône
et la Loire, au départ de la Saône à Belleville
(l’ancienne Ludna des Romains), pour rejoindre
la Loire vers Charlieu.
Depuis Belleville,
elle emprunte l’étroit défilé de Beaujeu,
contrôlé par les Seigneurs de Beaujeu, remonte la
vallée de l’Ardiéres, passe par Chénelette
au pied du Tourveon, la D37 jusqu'à la Scierie puis continue
tout droit au-dessus du village de Poule-les-Echarmeaux pour atteindre
la route actuelle de la Vallée d’Azergues (en haut
du Prunier), de là elle remonte tout droit jusqu’au
Mont Joly sur le chemin GR 7 au lieu où est érigée
une statue de la Vierge (cette statue qui regarde dans la direction
de Lyon, a été réalisée par le sculpteur
Jean Molette (1819-1889), enfant du pays, et marchand de sabots).
Elle reprend, sur le versant océanique, à peu près
le circuit de l’ancienne route, par le col de la Pierre,
en limite sud/ouest d’Azolette (photo
1).
photo 1
Elle descend
sur la Guillermière et Chauffailles pour rejoindre Charlieu
par Tancon en longeant le Sornin.
Elle se prolonge
jusqu’à Pouilly-sur-Charlieu, port créé
sur la Loire, semble-t-il, pour l’embarquement des vins
du Beaujolais et diverses marchandises destinées à
Paris et au Nord-Ouest de la France (photo
2).
photo 2
Rappelons
que sur le versant méditerranéen, l’Iter Publicum
offre une double destination : la vallée d’Azergues
pour rejoindre Lyon par la terre, ou Belleville pour embarquer
sur la Saône.
En descendant
l'Iter, au Nord, après le mont Joly (photo
3) de quelques centaines de mètres, nous
trouvons le « maillon faible » annoncé
précédemment (page précédente).
Laissons à l’abbé Comby le soin de nous en
livrer l’explication dans son Histoire de Belleroche p.
19.
« Un nommé Richard avait de grands biens à
Belleroche et les environs. On ne connaît pas son nom de
famille. Aux environs de l’an 1000, il donna deux domaines
au monastère de Cluny. Voici la traduction des termes de
l’acte de donation : « Moi, Richard, au nom de Dieu,
je donne à Dieu et à ses saints apôtres Pierre
et Paul, pour le monastère de Cluny, qui est gouverné
par l’Abbé Odilon, un domaine situé dans la
villa appelée Azoles, et un autre appelé Chapelle
près de la Roche… Moi, Richard, j’ai fait cette
charte, je l’ai écrite et confirmée. Signature
de : Hugues son fils et de Esmidius » (Cartulaire de Cluny
N°2189 qui indique, avec ce numéro, que cette charte
est écrite juste avant l’an mil, l’Abbé
Odilon étant abbé de Cluny de 983 à 1048).
photo 3
Le lieu exact
où se trouvaient ces deux domaines peut être fixé
avec vraisemblance car appartenant au monastère, filiale
de Cluny, qui se trouvait au sommet du Mont Saint Rigaud.
Cet ancien
mas clunisien d’Azoles, sur Propières, est encore
mentionné en 1580 dans la vente d’une terre «
sise au champ des moines » qui joint le village d’Azoles.
Nous trouvons à Azoles la première petite exploitation
agricole, obtenue par défrichement, constituée de
quelques terres de seigle, un champ de froment pour les redevances
seigneuriales et quelques rangs de vigne. Autour de la villa,
il n’y a que des prés marécageux avec des
joncs, prés du ruisseau Mussy et des taillis avec aulnes
ou vernes. Ce sont d'ailleurs ces joncs et ces aulnes qui ont
donné le nom d'Azole.
La présence humaine en Haut-Sornin est donc signalée
à Azole avant l'an mil et elle restera dans cette seule
cuvette pendant près de deux siècles.
Ainsi ces
deux domaines se trouvaient en activité vers l’an
mil de part et d’autre de l’Iter Publicum. Depuis
quand ? Nul ne le sait car l’Iter existait déjà
comme voie de communication, bien avant l’époque
romaine, servant à la fois :
- aux
Ségusiaves, tribu gauloise occupant le Rhône,
la Loire et une partie du Mâconnais actuels. Le Tourveon
était un chef-lieu du territoire des Ségusiaves,
dont la capitale était Feurs,
- aux
Eduens, tribu gauloise occupant la Saône, la
Loire ainsi que le Morvan actuels. Le territoire des Eduens
avait pour capitale Bibracte, au sommet du mont Beuvray. Dun
en était une limite au sud.
On peut donc
considérer ce chemin antique comme une frontière
entre les deux tribus gauloises, Segusiaves et Eduens, toutes
deux mêlées à notre patrimoine.
L'étude des autres chemins avoisinant le Haut-Sornin, à
l'exemple de l'Iter Publicum que nous venons d'étudier,
permettront de mieux comprendre comment ces différentes
voies ont contribué aux échanges commerciaux et
au développement local de chacune de ces deux tribus gauloises,
âmes ancestrales du patrimoine en Haut Sornin.
Jean
Mortamet
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