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L’identité
du haut Sornin révélée par ses lieux-dits
(1/3)
Conférence
de Mario Rossi le 01/04/2013 à Propières
Ce
que je compte développer avec vous ce soir est l’identité
de la partie du Haut Sornin dont Propières est le centre
; l’identité ? Chaque pays a son identité,
qu’il est souvent difficile de définir, aussi vais-je
centrer cette identité sur les aspects que les lieux-dits
et noms de lieux nous dévoilent de cette mini-région.
Les lieux-dits en effet nous apprennent beaucoup de choses : comme
l’écrivait un grand linguiste et toponymiste du début
du siècle, Albert Dauzat (décédé en
1955), les noms de lieux et lieux-dits sont des témoins
de l’histoire du peuplement et de l’histoire du paysage.
Pourquoi le nom de lieu permet-il de reconstituer l’histoire
du peuplement ? Parce que, comme je l’écrivais dans
mon dernier ouvrage (2009, p. 19), « le nom de lieu
est, en principe, stable, quand un peuple change de langue...
Les noms de lieux-dits apparaissent ainsi comme des fossiles qui
forment des couches historiques superposées, à la
manière des sédiments en géologie. ».
L’identité du Haut Sornin ? Mais qu’est-ce
que le Haut Sornin ? Selon Jean Mortamet, un haut plateau qui
était difficile d’accès, entre le Beaujolais
et le Brionnais, un haut plateau encore appelé le Cirque
du Haut Sornin dont Propières est le centre, situé
au nord-est du Haut Mussy, lui-même situé
à la frontière orientale du Haut Chauffailles. Une
partie de ce cirque du Haut Sornin, Propières et ses environs,
a fait jadis partie du Brionnais, ou plutôt de ce qu’on
appelait le Grand Brionnais (Fig. 1). La limite orientale
de ce Grand Brionnais du XI° au XIII° siècle s’étendait
jusqu’à Azolette, Propières, et Ajoux.
Fig. 1 - Limites du Brionnais aux XII-XII siècle, d’après
Mouterde (1900) et G. van Eeckhout (2002).
Cette partie du Haut Sornin était incluse dans ce qu’on
appelle le Brionnais de l’est (aujourd’hui cantons
de Chauffailles et La Clayette), situé sur la rive gauche
du Sornin. Courtépée appelait cette partie du Brionnais,
le Mâconnais, car les paroisses des cantons actuels de La
Clayette et Chauffailles étaient des paroisses mâconnaises.
Nous identifions déjà sur ce point une différence
dans le Haut Sornin, car si Azolette était bien une paroisse
mâconnaise, Propières en revanche était une
paroisse du diocèse d’Autun et faisait partie de
l’archiprêtré du Bois-Sainte-Marie. Cette discordance
entre deux paroisses voisines en Haut Sornin n’est pas la
seule ; on ne peut donc fonder l’identité de cette
région sur ces données de nature historique qui
font du Haut Sornin une mini-région assez disparate et
qui, de ce point de vue, manque d’homogénéité.
Existe-t-il d’autres critères d’identification
? Nous allons tenter de les mettre au jour.
Les critères qui différencient les Brionnais de
l’ouest et de l’est sont d’abord de
nature géologique (Fig. 2).
Fig. 2 - Géologie du Brionnais, d’après L.
Tacher, École polytechnique de Lausanne.
On identifie un Brionnais de l’ouest sur des sédiments
marins de nature marno-calcaire et un Brionnais de l’est,
sur le socle granitique primaire qui s’est soulevé
lors de la catastrophe du plissement alpin. Cette frontière
géologique passe par une ligne qui part d’Ozolles,
passe à l’ouest de Curbigny, de La Clayette et de
Châteauneuf et suit le Sornin jusqu’à Saint
Denis de Cabanne. Ce sont des critères analogues qui permettent
de préciser l’identité du Haut Sornin et qui
le différencient du Brionnais de l’est.
Je m’inspirerai ici des données géologiques
décrites par Bruno Rousselle (Fig. 3). Nous sommes toujours
sur le massif primaire qui s’est soulevé lors
du plissement alpin, mais il forme ici un socle élevé,
le fameux Cirque du Haut Sornin.
Fig. 3 - Extrait de Bruno Rousselle dans Géologie du
Haut Sornin.
On reconnaît sur ce socle des granites dans la région
de Monsols et au nord des Ardillats, des schistes au nord et nord-est
de Propières et, sur la plus grande partie du Haut Sornin,
des roches volcaniques, le tuf commun, dont la chimie se rapproche
de celle des granites ; c’est dans ces roches qu’ont
été creusées des mines d’où
l’on extrayait la galène ou sulfure
de plomb argentifère. Donc une géologie complexe
qui fait l’originalité de cette microrégion.
Mais les noms de lieux-dits dans tout cela ?
Quel paysage décrivent les lieux-dits ? J’aborderai,
pour répondre à cette question, 4 points :
1. Quel type de roche décrivent les lieux-dits
? 2. Quel type de relief ? 3. Quel type
de végétation ? 4. Les défrichements.
1.
Premier point, la roche calcaire.
Comme
en Brionnais de l’est et contrairement au Brionnais de l’ouest
marno-calcaire, nous ne trouvons en Haut Sornin aucun lieu-dit
du type Les Cray.
Ce Cray dérive du nom cara par
lequel les hommes du Paléolithique (en particulier les
Solutréens, -20.000 ans) désignaient la pierre,
la pierre calcaire. On retrouve cette racine dans La Crau,
Carrara, et dans tout le bassin méditerranéen.
Pourtant avant d’arriver à Propières on a,
sur notre gauche, près du Briday, La Chirette
qui dérive également de la même racine cara.
Alors pourquoi ? Bruno Rousselle nous dit que la partie du Haut
Sornin schisteuse au nord de Propières est traversée
de filons granitiques, mais aussi de résurgences calcaires,
dépôts sédimentaires d’organismes marins,
notamment autour du Briday. Eh bien ! nous y sommes, La Chirette
précisément proche du Briday doit son nom à
l’une de ces résurgences calcaires.
Et la pierre autre que le calcaire, comment est-elle nommée
? Comme en Brionnais de l’est, deux noms s’imposent,
la Roche et la Pierre : la Roche
d’Ajoux, Rocharrière, Lapierre
(Azolette), le Moulin de la Roche. Les deux grands types
de roches sont donc évoqués dans les lieux-dits.
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