Elaboration
de la chaux en Haut-Sornin
Extrait
de la carte au 1/50 000 qui indique 3 pointements de calcaire
(couleur bleu pâle) entre le Briday (écrit Bridet)
et le Bois de la Farge, non loin du château.
La
chaux est obtenue par calcination de pierres calcaires, utilisée
dans l’agriculture et la construction.
Selon
que le calcaire contient plus ou moins d’argile, nous obtenons
plusieurs types de chaux, la chaux aérienne, la chaux hydraulique
naturelle, les anciens utilisaient les termes de chaux grasse,
moyenne ou maigre.
La
calcination : le calcaire extrait est calciné à
900° environ. La pierre perd 45 % de son poids, correspondant
à la perte en eau et en gaz carbonique. Le produit obtenu
est de la chaux vive.
L’hydratation
: la chaux vive est éteinte par l’ajout d’eau.
La chaux éteinte est utilisée en agriculture pour
amender les sols. Mélangée à des agrégats
et à l’eau, nous obtenons des mortiers.
La
recarbonisation : Lors de la prise du mortier , le gaz carbonique
de l’air est fixé et la chaux se transforme en calcaire.
Le
chaufournier convertit en chaux la pierre calcaire dans des fours
en maçonnerie. Le combustible bois et le calcaire sont
placés alternativement par couches dont l’épaisseur
peut varier de 20 à 70 cm. La charge du four se fait par
le haut d’où les plans inclinés pour accéder
et la chaux se retire par le bas. Il faut entre 1 et 2 stères
de bois pour obtenir 1 m3 de chaux.
Documents de Jacques Chassy
Cadastre
de 1825 section B dite de la Farge
Un
four à chaux se situait sur la parcelle 261, propriétaire
: Mr Meyer Berthaud (Source
: Archives départementales)
Une
fosse à cuire la chaux dans les bois de la Croix d’Ajoux
Définition
d’une fosse à cuire la chaux par l’administration
des forêts en août 1841 (document
des AD du Rhône).
La
fosse à chaux des bois de la Croix d’Ajoux
Hypothèse
de fonctionnement suivant un article paru dans la "REVUE
DU VIVARAIS" Tome XCV n° 2 avril/juin 1991
GROUPE
D'ORGNAC-BARJAC
Jean
Della Libera, dans son "inventaire des sites archéologiques
et terroirs de l'Ardèche (zone d'Orgnac)", paru en
1971 dans Etudes Préhistoriques n°1, consacre un court
chapitre aux fours à chaux découverts au cours de
ses prospections dans les garrigues de la région, au lieu
dit Les Planasses, entre les hameaux d'Orgnac et de Cassagnols,
ainsi que dans la commune voisine de Barjac.
Si
la plupart de ces installations artisanales ont été
édifiées et exploitées par des immigrés
italiens saisonniers à la fin du XIXème siècle,
rien n'interdit d'avancer que les populations autochtones ont,
elles aussi fabriqué de la chaux pour leur usage personnel,
mais que leurs constructions ont disparu, effacées par
le temps.
Selon
Della Libera, le four était constitué par un simple
entonnoir creusé dans le sol ou édifié à
sa surface (figure 1). Une murette circulaire en pierre sèche
de 1 m de hauteur et de 4.50 m de diamètre le délimitait
extérieurement. "Le fond était légèrement
creusé en forme de cône", sans ouverture extérieure.
Pour
conserver la chaleur intérieure lors de son fonctionnement,
le chaufournier avait entassé contre la murette, sur une
largeur de 2.50 m, un amoncellement de pierres et de terre. Cet
aménagement extérieur permettait l'accès
à la partie supérieure du four pour verser le calcaire
à calciner.
Un
type plus primitif encore est représenté à
Barjac. L'entonnoir creusé dans la roche encaissante, assez
tendre, mesurait 5 à 6 m de diamètre et avait une
profondeur de 1.50 à 1.80 m. Aucune murette n'en délimitait
la partie supérieure (figure 2).
Une
ouverture de défournement n'étant pas prévue
comme à Mias,le procédé de calcination du
calcaire rappelait celui des meules à charbon de bois,
nombreuses dans les garrigues méridionales. Le combustible,
du chêne en grande partie, était entassé au
fond du four en quantité suffisante pour obtenir, par la
chaleur dégagée, la séparation complète
de l'acide carbonique et de l'eau contenus dans le carbonate de
calcium.
Sur
ce bois coupé en diverses dimensions, accompagné
de fagots de branchages, le chaufournier accumulait les pierres
calcaires fragmentées en morceaux, ni trop réduits,
ni trop volumineux. Il remplissait la chambre de chauffe au-delà
de son contenu pour obtenir une butte qui recevait, en fin de
préparation une couverture de terre.
L'allumage
du bois se faisait par des conduits garnis de menues branches,
disposés le long des parois de l'entonnoir et en son centre,
sorte de cheminées aménagées au cours du
chargement du four.
Leur
rôle avait pour but non seulement la mise à feu du
combustible de base, mais aussi la ventilation du foyer au cours
de la combustion.
Selon
une autre source, le chaufournier disposait le combustible et
les pierres calcaires en couches alternées et successives...
l'ac[b]tion lente de la combustion du bois pendant une durée
que les textes et la tradition ne nous ont pas transmis. Par comparaison
avec la fabrication du charbon de bois, plus longue cependant
et mieux connue, on peut évaluer à une journée
environ le temps nécessaire pour traiter le contenu d'un
four. Les chaufourniers, ayant une longue pratique de leur métier,
jugeaient de l'avancement de la combustion par l'observation de
la couleur de la fumée sortant des évents et de
la cheminée centrale. Quand la calcination était
terminée, on laissait refroidir la chaux pour pouvoir la
défourner.
Des
fours de ce type primitif, édifiés par les populations
locales pour une production limitée à l'environnement
immédiat, se rencontrent dans des communes plus septentrionales.
A
Mercuer, au quartier de Rompude, sur un relief calcaire, nous
avons découvert en 1960 un four en fosse semblable au précédent.
Mais la présence de fragments de houille épars attestait
l'utilisation d'un autre combustible que le bois. Très
probablement, il provenait des mines de charbon de Lalevade, proche
de Mercuer.
Extrait
d'un article publié par Bruno ROUSSELLE, géologue,
dans les actes des Journées Annuelles d'Etude de l'Union
des Sociétés Historiques du Rhône et de Lyon
Métropole (USHRLM), n°XXIX, Thizy-les-Bourgs, 15 octobre
2016.
d)
Gisements calcaires et fours à chaux
(avec
la collaboration de Jacques Chassy, Roland Veaux, Monique Velay
et Pierre Forissier)
Dominé
par les ensembles granitiques et volcaniques, le territoire haut-beaujolais
affiche une relative faible abondance en terrains sédimentaires
non métamorphiques. Parmi ceux-ci, les terrains calcaires,
appartenant presque tous au Carbonifère inférieur
(Viséen), dont l'aspect et la couleur gris sombre à
noir contrastent nettement avec les calcaires plus clairs des
régions limitrophes, sont encore moins étendus,
réduits bien souvent à l'état de lentille
très localisée et fortement tectonisée (déformée
par plissement, écrasement et fracturation). Ce principe
est valable pour l'ensemble des Monts du Beaujolais, excepté
dans ou près des cours inférieurs de la Trambouze
et du Rhins, de Thizy-les-Bourgs (Bourg-de-Thizy) à Montagny
et dans les environs de Régny, où le calcaire noir,
moins déformé, affleure plus largement.
Pour
les besoins d'une étude géo patrimoniale, un nouvel
inventaire de ces gisements, déjà repérés
par les anciens auteurs, a récemment été
entrepris. On les retrouve ainsi comme prévu bien exprimés
autour de Bourg-de-Thizy et Régny, et d'extension beaucoup
plus limitée, sous forme de zones infra-hectométriques,
à St-Bonnet-le-Troncy et St-Nizier-d'Azergues, à
Propières, Azolette et St-Germain-la-Montagne, près
de Marchampt et, plus au sud, dans les hauteurs d'Affoux. Ces
petits gisements de calcaire constituaient de véritables
aubaines pour les paysans et les maçons locaux, dans une
montagne boisée et sous des pâturages où n'apparaissent
pratiquement que des roches cristallines siliceuses. A Vaux-en-Beaujolais
(La Marbrière) et à Ternand (Mont Jonc), la proximité
des grands gisements de calcaire du Beaujolais méridional
rendait ces petits pointements de marbre (calcaire métamorphique)
moins providentiels, tout en restant bien utiles pour le façonnage
(socle de la statue de Louis XIV à Lyon-Bellecour, en marbre
de Vaux) ou la construction ordinaire.
Le
calcaire noir des Monts du Beaujolais a naturellement servi de
pierre à bâtir, parfois même de 5
pierre
de taille (Thizy-Bourg-de-Thizy, Propières-Azolette, St-Bonnet-le-Troncy)
et, plus original, de pierre d'ouvrage (mobilier religieux). L'un
de ces objets taillés et sculptés les plus remarquables
est certainement le bénitier de l'église de la Chapelle-de-Mardore.
Mais l'exploitation du calcaire était surtout destinée
à la fabrication de la chaux pour la construction et pour
les usages ruraux (amendement des sols, salubrité des fermes,
ensevelissement des cadavres). Les sites de Bourg-de-Thizy (La
Roche, La Forêt-Le Four-à-Chaux, La Coquinière)
et ceux de Régny (Le Four à Chaux, Naconne-La Chapelle)
disposaient d'importants fours à chaux construits. A Propières,
plusieurs fours à chaux existaient aussi, dont un, à
l'abandon depuis de nombreuses années, est toujours en
place près du Sornin (Le Grand Moulin). D'autres sont également
cités à St-Bonnet-le-Troncy, Azolette et St-Germain-la-Montagne.
Dans
le cadre de l'étude mentionnée ci-dessus, la redécouverte
et la réinterprétation de certaines structures énigmatiques
dispersées dans la forêt a révélé
l'existence de fours à chaux temporaires, creusés
à même le sol dans de larges fosses. On parle du
reste de fosses à chaux. Trois au moins ont déjà
été repérées sur les communes de Propières,
St-Clément-de-Vers et Thel. L'une d'entre elles, formant
un beau cratère près du col de la Croix d'Ajoux
(Fig 8), entre Propières et Chénelette, a pu être
sondée et a permis de confirmer la présence de pierre
calcaire noire du Carbonifère, très probablement
issue d'un des gisements de Propières, d'éléments
de calcaire calciné, de restes de chaux et de traces de
charbon de bois. Ces fosses à chaux, à fond plat
d'après les relevés effectués à la
Croix d'Ajoux, étaient installées à proximité
des futures habitations ou hameaux à construire, profitant
du bois rendu disponible par des coupes forestières ou
des défrichages ruraux. On n'allait donc pas chercher la
chaux dans les lieux de production construits et de fonctionnement
régulier (ou semi-régulier), mais on acheminait
la matière première calcaire par attelage depuis
les zones d'extraction jusqu'à la nouvelle fosse à
chaux. Les pierres tombées des charrettes et autres tombereaux
en bois, instables et non étanches, et dispersées
sur les chemins, attestent du transport de ces matériaux
vers les lieux de transformation. Le combustible, le bois, n'était
généralement pas non plus importé de loin,
mais, selon certains témoignages écrits (début
du XIXe siècle), prélevé dans l'environnement
immédiat. Pour les besoins de la construction, qui expliquent
la principale utilité des fosses à chaux temporaires
en domaine rural, la chaux devait nécessairement être
éteinte (adjonction d'eau). Cette opération était
peut-être pratiquée sur place, nécessitant
alors un hypothétique transport d'eau (il existe peu ou
pas de ruisseau ou de point d'eau à proximité immédiate
de plusieurs des fosses repérées), ou possiblement
effectuée sur les lieux mêmes d'utilisation.
L'étude
des fosses à chaux du Haut Beaujolais, toujours en cours,
a ainsi permis de mettre en lumière des pratiques et une
économie oubliées, témoignant des conditions
rurales de production de la matière première du
mortier de chaux et, on le rappellera, du caractère providentiel
que constituaient les gisements calcaires localisés et
dispersés dans la montagne beaujolaise.
Jacques Chassy
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